Liberté Des Congrégations Religieuses En France (Coffret De Trois Volumes)
Description
Les dispositions applicables aux congrégations héritent d'anciennes incompréhensions profondes à l'égard du monachisme lato sensu de l'Eglise catholique et de luttes conduites par les systèmes monarchiques ou républicains qui cherchèrent à s'appuyer sur différentes formes de régalisme ou de gallicanisme, et par les Lumières et la Révolution. Depuis le XIXe siècle et après 1914-1918, il faut prendre en compte l'œuvre accomplie par la jurisprudence du Conseil d'Etat et par celle de la Cour de cassation, ainsi que la pratique du bureau central des Cultes de Paris et de celui de Strasbourg : la tutelle de l'Etat sur les congrégations était persécutrice avant 1914. À partir du déclenchement de la guerre, en août 1914, où l'Union sacrée prévaut sur la lutte anti-congréganiste, l'Etat transforme peu à peu sa tutelle en protection rapprochée. Mais en 1989, la célébration du Bicentenaire de la Révolution remet en mémoire la loi de février 1790 qui refusait toute reconnaissance par l'Etat des vœux perpétuels monastiques. L'Etat a néanmoins octroyé des autorisations à certaines congrégations sous Napoléon, puis imposé une reconnaissance légale dès 1901, procédure qui fut maintenue en 1905 (art. 38) malgré la fin de la reconnaissance des cultes par l'Etat en Vieille France (art. 2). Or, une congrégation appartient toujours à un culte, sinon le groupement en question serait une sorte de " microreligion ". Depuis 1942 et 1944, la reconnaissance légale n'est plus obligatoire. A partir de 1988, l'État cesse de se focaliser sur les congrégations du seul culte catholique romain et ouvre ses régimes à des groupements non catholiques, susceptibles de se prétendre congréganistes. Cet article 38 de la loi de 1905 ainsi que le principe laïc du respect des règles d'organisation propres à chaque culte (voir l'article 4 de cette même loi) offrent les appuis nécessaires - moyennant le respect d'un ordre public républicain français qui n'est pas communautariste - pour que l'Etat poursuive son dialogue avec chacun des cultes auxquels appartiennent des congrégations. Une fois reconnue par l'Etat, la congrégation reçoit des statuts civils qui ne correspondent pas tout à fait à ses propres statuts religieux, a fortiori depuis l'affaire du Bicentenaire de la Révolution à l'encontre des vœux canoniques. Les congréganistes, qui préfèrent se contenter de ce régime civil parce qu'il se présente comme plus sûr et plus complet que les recours plus indirects aux associations de congréganistes dont doit s'entourer une congrégation non reconnue pour se manifester civilement à des tiers, ont espéré pouvoir contribuer à l'amélioration progressive de ces régimes administratifs et civils. Les années 1990 ont vu se durcir les procédures comme si les congrégations pouvaient présenter des risques sectaires. Quant à la question philosophique et théologique du droit inné pour les congrégations à accéder librement à la personnalité morale de droit commun, elle reste posée. Le droit français des congrégations religieuses, que celles-ci bénéficient ou non de la reconnaissance légale, s'adresse avant tout à des groupements religieux de vie commune. Quand il concerne un(e) congréganiste, il induit des conséquences sur le droit du travail et la prévoyance sociale qui peuvent ne pas être mineures. Certaines collectivités religieuses catholiques, bien que non congréganistes du point de vue canonique - parce qu'elles ont, par exemple, des couples en leur sein -, sont parvenues à se faire reconnaître comme congrégations par l'Etat français. Mais ces collectivités, outre qu'elles ont dû présenter à l'Etat une recommandation de la part de l'évêque du lieu de leur siège, ont eu à justifier en principe aussi d'une certaine forme de vie commune. D'autres collectivités religieuses - elles aussi non congréganistes du point de vue canonique - pratiquent une vie commune assez exigeante mais n'ont cependant pas demandé à l'Etat de les reconnaître comme congrégations de droit civil. Le 17 novembre 1997, le juge d'appel d'Orléans s'est trouvé en présence d'une vie commune lato sensu pratiquée par une collectivité religieuse. Le juge a pu écarter l'accusation de travail clandestin portée en 1996 à l'encontre de membres de la collectivité religieuse des Béatitudes en reprenant, mais d'une manière plus élargie, la jurisprudence propre aux congrégations, reconnues ou non, que la Cour de cassation a su bâtir : selon l'arrêt d'assemblée de la Haute Juridiction du 8 janvier 1993, l'existence d'un contrat de travail est exclue lorsque la congréganiste n'a exercé son activité que pour le compte et au bénéfice exclusif de sa congrégation. Dans l'affaire de 1993, il s'agissait d'une activité par nature professionnelle, mais qui était dûment exercée dans une institution directement organisée par la congrégation d'appartenance, alors que dans l'affaire de la collectivité religieuse des Béatitudes, des membres étaient mis à la disposition d'un organisme distinct du point de vue civil de la Communauté des Béatitudes. En réalité, le berger de cette collectivité religieuse était lui-même le dirigeant des activités accomplies au sein de cet organisme séparé. L'appartenance à un groupement de vie commune, non sans rappeler la vie familiale, semble donc renvoyer à un phénomène communautaire plus vaste que celui des congrégations religieuses. L'Etat, sollicité par des collectivités non catholiques pour être reconnues comme congrégations depuis 1988, les interroge depuis lors encore sur leur vie commune ; il n'essaie pas de déterminer leur utilité sociale, mais de confronter cette existence religieuse vécue au sein ou en marge de la société profane au regard de l'ordre public républicain. Ce volume tente de montrer les difficultés que l'Etat français rencontre pour accepter l'hypothèse de la congrégation déclarée durant plus d'un siècle déjà. L'Etat et l'Eglise catholique ont leurs raisons propres pour exiger un traitement spécial pour le monachisme, la vie consacrée et d'autres formes de vie commune. Pour l'Etat, c'est la reconnaissance légale. L'attitude catholique, elle, a toujours souffert d'une certaine ambivalence : il fallait, d'un côté, réguler une mystique du charisme susceptible de s'affronter à l'institution du sacrement de l'ordre ; de l'autre, magnifier les authentiques vocations ecclésiales de congréganistes, parce qu'en s'associant à leur congrégation, ces associé(e)s véritables sont introduit(e)s en principe dans un nouvel état de vie - celui des consacré(e)s - et dans le cadre d'une vie commune érigée en institut ou en société canoniques. Quant aux collectivités non catholiques qui se prétendent de nature congréganiste, elles peuvent donc depuis 1988 ne plus être seulement des collectivités religieuses, mais des congrégations, si elles démontrent à l'Etat, avec l'aide de leur culte d'appartenance, qu'elles pratiquent une certaine forme de vie commune. La vitalité des différents régimes civils applicables aux congrégations dépend notamment de l'évolution de la notion de vie commune, forme d'existence que l'Etat et les cultes concernés peuvent attendre de la part des groupements religieux demandeurs de reconnaissance légale comme congrégations françaises, une fois que les cultes ont recommandé au moins implicitement cette qualité de congréganistes pour certains de leurs groupements. A l'aube du IIIe millénaire, la France ne parvient pas à garantir le principe d'un libre accès des congrégations au régime des associations civiles simplement déclarées, liberté que fonde pourtant le droit inné non seulement à l'existence des groupes de fait, mais aussi au libre accès à la personnalité morale de droit commun. Ce sont des droits innés que le pape Léon XIII eut à affirmer déjà au début du XXe siècle, en s'adressant notamment à la France. Demain, de futures congrégations musulmanes pourraient être reconnues par l'Etat français, sur simple recommandation d'une association cultuelle musulmane, déclarée selon le titre IV de la loi du 9 décembre 1905 : telles vies communes locales deviendraient les supports civils de certaines mosquées et pour des œuvres musulmanes.
Détails
Auteur: Jean-Paul Durand
Editeur: Cerf
Collection: Droit canonique
Presentation: Relié
Date de parution:
Nombre de pages: 2049
Poids: 3000
Dimensions: 16,4 x 25,3 x 9,8
Prix publique: 120,00 €
Information complémentaires
Classification: Religion > Christianisme
Code Classification: 3345 > 3347
EAN-13: 9782204062800
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