Revue Savoir/Agir n° 64

Revue Savoir/Agir n° 64 - Michel Koebel

Description

En mars 2024, Tony Estanguet président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 appelle, par voie de presse, les organisations syndicales à une « trêve sociale » pour ne pas perturber la « fête » des JOP. L’appel ne semble pas avoir été entendu puisqu’au cours de ce même mois, le syndicat Force Ouvrière (FO) dépose un préavis de grève, suivi en avril de plusieurs autres dépôts par la Confédération générale des travailleurs (CGT). Les préavis de grève, tout comme les « menaces » de grèves, jouent comme des moyens de pression utilisés par les organisations syndicales dans le cadre de négociations et/ou de revendications face au patronat.
Pendant cette même période précédant les JOP, la formule « l’important c’est de participer » est transformée dans le cadre d’une communication gouvernementale et interministérielle en un slogan : « L’important c’est de se préparer ! ». Cet appel vise à inciter un maximum de personnes à anticiper les perturbations que les JOP impliquent, notamment en termes de déplacements dans l’espace public. Les JOP, en tant que méga-événements, bouleversent l’ordre ordinaire des choses.
Si les JOP constituent une fête à bien des égards, ils ne sont pas exempts de contestation en amont de leur déroulement, pendant les événements eux-mêmes mais aussi après qu’ils se sont tenus. En ce sens, nous mobilisons l’expression « envers du décor olympique » dans le cadre de ce dossier de façon à explorer les coulisses de cet événement. La question transversale aux contributions de ce dossier est la suivante : quelles sont les composantes des contestations des JOP ?
En effet, les JOP font l’objet de contestations de plus en plus en visibles mais aussi organisées. La dimension planétaire de l’événement et son ampleur – dépenses, nombre de compétitions, marchandising, etc. – en font un méga-événement à forte visibilité médiatique. Les JOP attirent des métropoles candidates dont les compétitions sont scrutées. L’engagement dans cette compétition vise, pour les métropoles, des attendus de ressources économiques, mais aussi – et surtout – symboliques. La participation des citoyens et citoyennes des métropoles et pays concerné·es, dans le processus de candidature mais aussi de déroulement des JOP, semble faible malgré des discours de promesse, voire l’introduction de critères en ce sens dans le processus de sélection.
Poser la question de la contestation renvoie à se pencher sur les thèmes qui sont les objets de ces contestations, les actrices et acteurs qui les portent, celles et ceux qui cherchent à les limiter ou les empêcher, mais aussi sur ce qu’il reste de l’événement lorsqu’il est achevé.
Ce dossier consacré à l’envers du décor olympique se compose de contributions éclairant plusieurs composantes des contestations des JOP : les coulisses de la fabrique de l’événement ; les modalités de contestation de celui-ci ; les conséquences des aménagements des JOP sur les environnements ; les coûts des médailles. Ces différentes contributions nous conduisent enfin à inviter à une analyse interdisciplinaire des contestations des JOP.

Dans les coulisses de la fabrique de l’événement
Les quatre premières contributions du dossier éclairent, à partir de plusieurs entrées, les façons dont les JOP sont organisés et le cadre événementiel dans lequel ils se déroulent.
C’est en ce sens que Sébastien Fleuriel retrace d’abord dans son article les conditions d’accroissement de l’événementialisation de la pratique sportive. Cette hausse contribue selon l’auteur à masquer – voire empêcher – une politique de développement sportif. Les JOP sont pour Sébastien Fleuriel emblématiques de cette tendance à chercher des ressources symboliques par la performance sportive, par le nombre de médailles gagnées ou encore par l’obtention de records sportifs plutôt que par une politique incitant, accompagnant et soutenant la pratique sportive pour toutes et tous. Le soutien du sport fédéré et compétitif, plutôt que celui d’un soutien pluriel des formes que peut prendre la pratique sportive, conduit le sociologue à souligner que cet encouragement élitiste se fait au détriment de l’intérêt général.
L’événement repose sur un agenda qu’analysent Nathalie Fabry et Sylvain Zeghni. L’autrice et l’auteur montrent, à partir des orientations du CIO, combien l’adhésion des citoyens et citoyennes ou encore les impacts environnementaux sont devenu·es des critères majeurs intégrés à l’agenda. Pour autant, bien que ces derniers soient affichés comme centraux, ils le sont peu dans les faits et renvoient dès lors à certains paradoxes. Malgré des bilans post-JOP pointant de mêmes problématiques, la projection immédiate vers les prochains Jeux conduit à ne pas constituer de mémoire, ce qui invite à se questionner sur les modalités d’évaluation de ce qui relève, au moins sous certains des aspects des JOP, de politiques publiques.
L’événement repose sur une fabrique de son déroulement mais aussi de ce qui en restera. Hugo Bourbillères traite dans son article des contradictions entre l’engouement que peuvent susciter les JOP et les contestations dont ils peuvent être l’objet. En prenant pour objet l’héritage des JOP, l’auteur rend compte de la place des émotions dans la constitution d’un apolitisme sportif. L’espace médiatique contribue à susciter et alimenter un engouement collectif par les Jeux et pousse les individus à se saisir de leur héritage et, par là-même, à les légitimer.
La fabrique de l’événement passe aussi par un travail de sécurisation et de surveillance, thématique traitée par Jean-Charles Basson. Les JOP vont donner lieu à la mise en place d’une surveillance, aussi qualifiée de « sécurité, intelligente et augmentée ». De tels événements posent des défis majeurs en matière de maintien de l’ordre et de la sécurité, d’autant que les types d’attaques peuvent être multiples (par action physique mais aussi numérique). L’enjeu est alors de garantir la sécurité de tous et toutes tout en ne dérogeant pas aux libertés individuelles. Les impératifs de sécurité servent généralement de prétexte à une privation de liberté qui risque de perdurer bien au-delà de l’événement lui-même.
Ces différentes contributions rendent ainsi compte des façons dont les contestations sont en partie empêchées. Par la symbolique et la pratique, les JOP constituent un méga-événement fortement contrôlé et contrôlant. Dès lors, comment contester les JOP dans ces cadres contraints ?

Les modalités de contestations de l’événement
Le dossier comprend quatre contributions analysant des situations de contestation des JOP sur différents espaces (segments ou localités).
Si les Jeux paralympiques semblent particulièrement soutenus – que ce soit par l’opinion publique ou les pouvoirs politiques –, l’enquête menée par Flavien Bouttet montre qu’ils sont – tout comme les JO – des objets de contestation. Les contestations sont néanmoins limitées – et encore plus que celles analysées dans les contributions suivantes – pour plusieurs motifs. D’abord, ces Jeux sont moins observés que les autres. Ensuite, les acteurs et actrices qui s’engagent dans ces contestations ont des profils hétérogènes et ils et elles sont éloigné·es dans leurs localisations. Ces éléments rendent difficiles la mise en oeuvre d’une action collective commune et le sociologue révèle combien, dans tous les champs (scientifiques, médiatiques et politiques), le « problème paralympique », tel qu’il le désigne, paraît particulièrement délicat à traiter.
William Gasparini livre une analyse croisée des candidatures de Rome aux JO de 1960 jusqu’aux JOP de 2024. Les plus récentes contestations face à la candidature de Rome aux Jeux reposent sur la mobilisation des bilans des Jeux précédents. Ainsi, le coût économique des Jeux de 1960 joue comme un héritage pesant qu’il s’agirait ne pas reproduire par l’organisation de nouveaux JOP. Malgré les bilans des JOP passés jugés plus négatifs que positifs, des candidatures sont à nouveau déposées les décennies suivantes, montrant combien le spectacle immédiat comp...

Détails

Auteur: Michel Koebel

Editeur: CROQUANT

Format: Broché

Presentation: Broché

Date de parution: 03 Octobre 2024

Nombre de pages: 1500

Dimensions: 16 x 23 x 1

Prix publique: 15,00 €

Information complémentaires

EAN-13: 9782365124409

Où trouver ce livre:


rechercher les librairies ayants ce livre en stock
Chargement de la carte interactive ...


(Liste non exhaustives de librairies ayant ce livre en stock. Vous êtes un professionel du livre et souhaitez figurer sur cette carte ? Contactez nous ! )

Vous pouvez également vous raprochez d'une librairie proche de chez vous:

    Du même éditeur